Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 a été marqué par un parcours législatif particulièrement agité, révélateur des tensions budgétaires actuelles en France. Depuis son dépôt en octobre 2024, le texte a connu plusieurs modifications avant d’être finalement adopté via l’article 49.3 en janvier 2025. Malgré les débats parlementaires et les amendements provisoires visant à atténuer certaines coupes budgétaires, la version finale du texte concernant le financement de la R&D et de l'innovation revient largement à la proposition initiale du gouvernement. Parmi les mesures les plus contestées figurent la suppression du statut Jeune Docteur et de certains postes de dépenses du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), qui risquent d’avoir un impact significatif sur l’emploi scientifique et le dynamisme des entreprises innovantes.

Un projet de loi marqué par de nombreux allers-retours parlementaires
Chaque année, le Projet de Loi de Finances définit les grandes orientations budgétaires de l’État et ajuste les dispositifs fiscaux en vigueur. Celui de 2025 a particulièrement retenu l’attention du secteur de la R&D en raison des modifications importantes apportées au CIR et aux incitations fiscales dédiées à l’innovation.
Lors de la présentation du texte en octobre 2024, plusieurs dispositions ont immédiatement suscité de vives réactions, notamment la suppression des dépenses liées aux brevets dans le calcul du CIR, la diminution des frais de fonctionnement et, surtout, la fin de l’incitation à l’embauche des jeunes docteurs. Ces mesures, justifiées par le gouvernement par la nécessité de réduire le déficit public, ont été perçues comme un frein à l’investissement en recherche privée et un désavantage compétitif pour la France face à d’autres pays européens et internationaux.
Durant les discussions parlementaires de novembre et décembre, plusieurs amendements ont été adoptés afin de préserver une partie des avantages fiscaux pour les entreprises innovantes. Certains sénateurs et députés avaient notamment réussi à réintroduire certaines dépenses liées aux brevets et au statut Jeune Docteur. Ces modifications ont toutefois été balayées en janvier 2025 lorsque le gouvernement a décidé d’utiliser le 49.3 pour faire adopter le budget sans vote, mettant fin aux débats et rétablissant le texte dans sa version initiale.
Ce retour en arrière a provoqué une forte déception parmi les acteurs de la recherche et de l’innovation, qui espéraient un compromis permettant de limiter l’impact négatif de ces mesures sur l’économie et l’emploi scientifique.
Une réforme qui fragilise le financement de la recherche privée
Le CIR constitue l’un des principaux leviers de soutien à la recherche et à l’innovation en France. Chaque année, ce dispositif permet à des milliers d’entreprises de financer leurs projets de R&D en bénéficiant d’un crédit d’impôt sur leurs dépenses éligibles. En 2023, il représentait un investissement public de plus de 6 milliards d’euros, contribuant directement à la compétitivité des entreprises françaises et à leur attractivité sur le marché international.
Avec les mesures de la loi de finances 2025, plusieurs aspects du CIR sont revus à la baisse. Tout d’abord, la suppression des dépenses de veille technologique et de celles liées aux brevets et COV réduit le champ des activités pouvant être prises en compte. Jusqu’à présent, ces dépenses permettaient aux entreprises d’intégrer dans l'assiette des dépenses éligibles au CIR des coûts liés à la protection de leurs innovations, un élément clé pour beaucoup d'entreprises investissant en R&D. En supprimant cette possibilité, la réforme contraint les entreprises à assumer seules ces investissements, ce qui pourrait ralentir le dépôt de brevets et la protection intellectuelle des inventions en France.
Une autre mesure significative est la réduction des frais de fonctionnement pris en compte dans le calcul du CIR, qui passent de 43 % à 40 %. Bien que ce chiffre puisse sembler marginal, il entraîne une baisse automatique du montant total du crédit d’impôt auquel peuvent prétendre les entreprises. Dans un contexte où l’accès au financement est déjà un défi pour de nombreuses start-ups et PME, cette réduction impacte leur capacité à investir dans des projets de R&D ambitieux.
Le changement le plus controversé reste la suppression de l’incitation fiscale liée à l’embauche des jeunes docteurs. Jusqu’à présent, les entreprises qui recrutaient un jeune docteur en CDI bénéficiaient d’un doublement de l’assiette des dépenses de personnel prises en compte dans le CIR pendant les 24 premiers mois suivant son embauche. Cet avantage était conditionné au maintien de l'effectif global en R&D d'une année sur l'autre, et constituait ainsi un moteur essentiel pour encourager l’intégration de chercheurs qualifiés dans le secteur privé. Sa suppression brutale risque d’entraîner un ralentissement significatif des recrutements de jeunes docteurs, notamment dans les petites structures qui comptaient sur ce dispositif pour compenser les coûts salariaux élevés des chercheurs. Pour les jeunes docteurs diplômés, cette évolution complique leur insertion professionnelle et pourrait favoriser une fuite des talents vers des pays offrant des conditions plus attractives.
Des ajustements limités pour le Crédit d’Impôt Innovation et le secteur du jeu vidéo
Le gouvernement a en parallèle décidé de prolonger certains dispositifs liés à l’innovation, bien que sous des conditions moins avantageuses. Le Crédit d’Impôt Innovation (CII), qui s’adresse aux PME développant des produits innovants, est prolongé jusqu’en 2027, mais avec une réduction de son taux, passant de 30 % à 20 %. Cette baisse réduit l’attractivité de ce mécanisme pour les entreprises qui comptaient sur lui pour financer leur phase de prototypage et d’industrialisation.
Le Crédit d’Impôt Collection (CIC), qui concerne les activités de développement de nouvelles collections pour les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir, est également prolongé jusqu’en 2027, ce qui apporte une certaine stabilité aux sociétés concernées.
Quant au Crédit d’Impôt Jeu Vidéo (CIJV), il bénéficie d’une prolongation plus longue, jusqu’en 2031. Ce dispositif, destiné à soutenir la création et le développement de jeux vidéo en France, reste l’un des rares secteurs épargnés par la réforme. Son maintien traduit la volonté du gouvernement de continuer à soutenir cette industrie en pleine croissance, qui contribue significativement à l’économie numérique française et à son rayonnement international.
Un bilan préoccupant pour l’écosystème de l’innovation
En l’état, la loi de finances 2025 introduit des changements majeurs qui risquent d’affaiblir l’investissement en R&D en France. La suppression du statut Jeune Docteur et la réduction des dépenses éligibles au CIR représentent un frein à l’embauche de chercheurs et une contrainte supplémentaire pour les entreprises innovantes.
Plusieurs risques sont ainsi pointés du doigt :
⚠️ Moins d’incitations à l’embauche, et donc une baisse de l’investissement en R&D.
⚠️ Un frein au développement des start-ups et PME innovantes, déjà fragilisées par l’environnement économique actuel.
⚠️ Un risque de fuite des talents vers l’étranger, notamment vers des pays comme l’Allemagne, le Canada ou les États-Unis, qui proposent des incitations plus attractives.
En somme, le projet de loi de finances 2025 marque un tournant inquiétant pour la R&D en France, remettant en question la capacité du pays à maintenir sa position de leader en matière d’innovation.
Dans ce contexte, les entreprises devront revoir leur stratégie de financement de l’innovation. Il devient essentiel d’explorer d’autres leviers, comme les subventions européennes (Horizon Europe, EIC Accelerator, FEDER) ou les aides nationales et régionales, pour compenser la diminution des incitations fiscales. Par ailleurs, une gestion optimisée des dispositifs encore en place, notamment le CIR sous sa nouvelle forme et le CII, sera cruciale pour limiter l’impact de ces restrictions.
Chez Axinnov, nous accompagnons les entreprises dans cette transition. La capacité à anticiper ces évolutions et à adapter sa stratégie sera déterminante pour continuer à innover dans un environnement fiscal de plus en plus contraint et incertain.
Résumé des changements législatifs du CIR et CII pour 2025
🔴 Ce qui est modifié dans le CIR :
❌ Les dépenses de veille technologique ne sont plus éligibles
❌ Toutes les dépenses liées aux brevets sont supprimées
❌ Les frais de fonctionnement passent de 43 % à 40 %
❌ L'incitation au recrutement des Jeunes Docteurs est supprimé
🔎 L’assiette du CIR est réduite avec une nouvelle définition des subventions : les aides publiques à déduire incluent désormais celles versées par les "personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public" (cela inclut donc Bpi France), en plus de celles versées par les "personnes morales de droit public"
🔵 Les évolutions du CII, CIC et CIJV :
✅ Le CII est prolongé jusqu’en 2027
❌ Mais son taux est réduit de 30 % à 20 %
✅ Le CIC est prolongé jusqu’en 2027
✅ Le CIJV (Crédit d’Impôt Jeu Vidéo) est prolongé jusqu’en 2031 🎮
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